"Je suis passionné de pêche en général. J'aime ça, c'est dans mon sang et je pense que je ne saurais pas faire autre chose que la pêche" - PORSENNI Guy, Capitaine du MOOREA RAVA'AI VI
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je me présente PORSENNI Guy, j’ai 32 ans et je suis capitaine du MOOREA RAVA'AI VI. Je suis né et j’ai grandi à Tahiti. Nous sommes 4 à bord : un calier, un mécano, un vireur et le capitaine.
Comment es-tu devenu marin pêcheur ?
J’ai été marin pêcheur pendant 9 ans avant de passer les diplômes (BC500) afin de passer capitaine. Ça va faire 12 ans que je suis dans la pêche, 2 ans et demi que je suis capitaine et 9 ans que je suis marin pêcheur.
J’ai voulu être capitaine car j’étais déjà amoureux de la pêche. J’ai toujours voulu monter en échelon lorsque j’étais marin pêcheur et je suis donc parti m’inscrire à l’école vu que j’avais toutes les capacités en tant que marin pêcheur car je souhaitais avoir un plus en tant que capitaine à la l’IFMPC.
Qu’est-ce qui te passionne dans ce métier ?
C’est le fait que l’on soit loin de tout. Puis la passion de la pêche en général. J’aime ça, c’est dans mon sang et je pense que je ne saurais pas faire autre chose que la pêche.
Comment se passe la cohabitation avec l’équipage en mer ?
C’est au capitaine de bien gérer son équipage. Une fois qu’il gère bien son équipage, il y a une bonne entente. Et une fois qu’il y a une bonne entente, on devient une famille. Personnellement, j’évite de me séparer de mon équipage. J’aime bien rester avec mon équipage. Je connais les facettes et défauts de chacun. Et eux me comprennent comme moi je les comprends. Ils savent que je suis sévère lorsque ça ne va pas que je suis calme lorsqu’il le faut. Il faut bien gérer les marins pour pouvoir les garder. Sans eux, je ne suis pas capitaine et sans moi, ils n’ont pas de navire pour partir.
Es-tu satisfait du confort à bord ?
Oui, le confort ça va, il y a tout ce qu’il faut. Au niveau médical, nous avons pratiquement tout et nous avons suivi des formations de premiers secours.
Comment se fait la révision des bateaux ?
La révision des bateaux se fait tous les 1 ans et à sec tous les 2 ans. Ça veut dire que tous les 1 ans on fait la vérification de tout ce qui est électronique : GPS, radar, sécurité du navire. Puis tous les 2 ans, c’est plutôt tout le navire, voir le bon état de la coque.
Sinon, à chaque fois que nous sommes sur le navire, tous les 2 heures on fait une révision jusqu’à ce qu’on revienne pour éviter de rester trop longtemps à quai. Si on ne fait pas ces révisions, le bateau peut rester à quai 1 mois.
Quelle est la durée de votre campagne ?
On reste maximum 21 jours en mer. Ce qui veut dire on fait 4 jours de route, et dans les 4 jours on fait 15 lâchers. Maintenant, s’il n’y a pas de poisson, on peut rester jusqu’à 31 jours. Si on n’a pas de poisson, on fait encore un jour de route et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on trouve du poisson. Nous sommes obligés de chasser le poisson. On est constamment à la recherche du poisson mais une fois que nous sommes arrivés à l’endroit où il y a du poisson, c’est bon.
Lorsqu’on est à quai, j’ai l’habitude de rester 5 jours pour bien faire la révision de bateau mais on essaie de raccourcir le temps à quai pour qu’on puisse faire un maximum de campagnes par an.
Concernant l’éloignement avec la famille… La famille est importante et c’est ce qui nous ressource pour repartir au large. On peut dire que c’est grâce à eux qu’on recharge nos « batteries » avant de repartir en mer.
Que faites-vous lorsque vous pêchez accidentellement des espèces protégées ?
Nous avons une pêche sélective alors c’est un avantage. On coupe le nylon pour les libérer, on ne les tire pas sur les bateaux. Que ça soir requin ou tortue.
Que penses-tu du statut de marin pêcheur
C’est satisfaisant, oui. C’est plutôt au niveau du salaire, on est payé à la part. S’il y a trop de poisson, le prix est le bas, et s’il y a moins de poissons, les part décollent. Et si on ramène vraiment peu de poisson, nous avons un salaire minimum garanti.
Il y a-t-il une différence entre la pêche d’aujourd’hui et d’avant ?
Je pense que la différence c’est plutôt au niveau des prises. Avant, on arrivait à revenir avec 700 et 800 pièces. Maintenant c’est rare et je pense que c’est parce qu’il y a beaucoup plus de bateaux, et au niveau de la technique de pêche. Ce serait bien de retravailler les anciennes techniques. Le défaut pour nous, c’est en fonction des appâts. Les appâts, le gasoil… Tout à un coût, et nous on veut minimiser nos dépenses, donc on est obligés de réduire nos hameçons et notre vitesse de pêche. Il faut quand même penser à l’équipage avant tout car ils ont chacun une famille à nourrir.
Comment est-ce que tu participes à la qualité du poisson ?
C’est par rapport au marin. Il faut qu’il soit qualifié dans ce poste-là. La prise en charge du poisson est très important alors il ne faut pas n’importe qui. Nous on glace nos poissons et le lendemain on met bien sous glace. C’est pour conserver la qualité du poisson. Le calier doit vraiment avoir de l’expérience. C’est lui qui s’occupe du traitement du poisson, c’est lui qui conserve le poisson et c’est lui qui a le dernier mot concernant la qualité du poisson. La plupart de nos campagnes, en majorité, nous avons toujours une bonne qualité. Il nous arrive d’avoir des retours mais pas plus de 10. 5 c’est le minimum de retours qu’on peut avoir. Si on passe la barre des 10, on peut dire que c’est l’expérience du calier alors on est obligés de le corriger car il a mal fait son travail.
Comment gérez-vous les déchets à bord
Nous avons des poubelles spéciales à bord pour nos déchets qu’on ramène à terre.
La marin pêcheur a-t-il plus conscience de l’impact environnemental aujourd’hui ?
On a toujours ça dans notre tête, surtout que nous ici on a une pêche sélective contrairement à l’international. C’est pour ça que ça fait mal lorsqu’on voit des bateaux étrangers aux alentours. Surtout ils ont une technique au DCP. Le long line est une pêche sélective, on chasse grâce à la météo. Il n’y a pas de massacre avec notre technique de pêche.
Derniers mots en tant que marin pêcheur.
Il faudrait pousser les jeunes à venir dans la pêche. Il faut qu’on protège ce métier, ça a de la valeur pour les polynésiens. On n’a pas envie que des étrangers viennent ici et prennent nos places. Il faut favoriser les locaux.