"Cela fait désormais une vingtaine d'années que je suis dans le secteur de la pêche. C'est un métier qui est devenu une véritable passion pour moi et j'essaie de pousser au maximum les jeunes dans cette voie pour qu'ils puissent prendre la relève plus tard." - TOKORAGI Naea, Capitaine du ARIITAI NUI
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle TOKORAGI Naea. J’ai 43 ans et je suis capitaine de l’ARIITAI NUI à Vini Vini. Nous sommes 4 dans l’équipage. Je suis originaire de Faa’a à Tahiti.
Comment es-tu devenu marin pêcheur ?
Je suis entré dans la pêche par le biais de l’armée en 1998. Plusieurs membres de ma famille étaient des marins. A présent, ils sont tous à la retraite et je suis le seul à m’être orienté dans la pêche, cela fait maintenant une vingtaine d’années. J’aime mon métier et je pense que je resterai pêcheur jusqu’à la fin. La pêche est devenue une véritable passion pour moi et j’essaie de pousser les jeunes dans cette voie pour qu’ils puissent prendre la relève plus tard. J’ai commencé comme tout le monde, en tant que simple marin puis j’ai pu me perfectionner au fil des années.
Maintenant, je gère un équipage. Nous sommes quatre mais nous faisons un roulement donc il y en a un qui reste à terre lorsque nous partons en mer.
Quelle est la difficulté en tant que capitaine de gérer un équipage ?
Au début, c’était assez difficile. Après, on s’améliore avec l’expérience. Heureusement que je suis tombé sur de bons formateurs qui m’ont tout appris de A à Z.
Est-ce que ce n’est pas trop dur d’être en mer ?
J’aime être en mer donc ça ne me dérange pas. Il y a des bateaux qui font des campagnes de 2/3 mois donc c’est difficile, surtout lorsqu’on a une vie de famille à côté. Maintenant, on essaie de faire des petites campagnes de 2 semaines. Lorsque je suis à terre, j’essaie de profiter un maximum de ma famille car on ne reste pas longtemps. Nous restons sur terre environ 4 à 5 jours. Après, tout dépend des travaux techniques à faire.
Comment se fait la révision des bateaux ?
Avant d’arriver, nous envoyons un mail au responsable d’armements où l’on énumère les travaux techniques du bateau à faire, le matériel de pêche à prévoir pour le prochain départ et un check up au niveau de l’équipage, s’ils vont bien. Il faut anticiper ce qu’il y a à faire avant que l’on arrive sur terre. Puis personnellement, vu que j’ai des connaissances en mécanique, je vérifie à chaque fois les travaux.
Que faites-vous lorsque vous pêchez accidentellement des espèces protégées ?
Nous les relâchons lorsqu’il arrive qu’on en pêche accidentellement. Surtout depuis le nouvel règlement. Je n’essaie pas de récupérer des ailerons ou quoique ce soit d’autres.
La pêche par campagne
La pêche est aléatoire. On n’est jamais sûr à cent pour cent lorsqu’on arrive dans la zone de pêche, qu’on pourrait avoir des poissons. Puis il y a sûrement aussi une modification dû au changement climatique. Ce n’est plus comme avant. Sûrement que la température de l’eau a augmenté alors les poissons s’éloignent. On peut essayer d’aller un peu plus loin que d’habitude parfois. Malheureusement, mon bateau est assez limité en gasoil pour que l’on puisse aller dans des zones assez éloignées. Du coup, on fait avec. Même si on sait que tel mois, dans une telle zone on peut avoir du poisson, c’est devenu difficile de prévoir l’endroit où peuvent se trouver les poissons. On essaie d’échanger les informations également entre nous, les capitaines de Vini Vini. Surtout avec ceux qui restent plus longtemps en mer.
Comment penses-tu contribuer à la qualité du poisson ?
Tous les 6 mois, nous avons une formation avec Andreas, le responsable qualiticien où l’on revoit comment nettoyer le poisson, le découper, etc….
Penses-tu que la pêche au niveau local s’est mieux développée qu’avant ?
Oui. Déjà par rapport au port de pêche qui s’est bien développé. Avant ce n’était pas comme ça et il n’y avait pas autant de bateau par rapport à aujourd’hui. Même au niveau du confort des bateaux eux-mêmes, ça s’est beaucoup amélioré. Par exemple au niveau de la facilité de navigation, le confort intérieur des bateaux, on a des machines à glace également maintenant. C’est devenu plus confortable pour l’équipage d’être sur un bateau contrairement à avant, on s’y sent bien. On peut dire que c’est devenu comme une deuxième maison. Par exemple, il y a une cuisine, une salle d’équipage, les lits sont plus confortables, y a des écrans, il y a la clim aussi. Beaucoup de choses ont été améliorées ces dernières années dans le secteur de la pêche. Y compris pour les techniques de pêche.
Comment contribues-tu à la préservation de notre environnement marin ?
J’instaure des règles à mon équipage lorsqu’ils sont sur le bateau. Ils peuvent faire ce qu’ils veulent lorsqu’ils sont à terre mais pas sur mon bateau. Ne pas traîner les déchets n’importe où.
Derniers mots en tant que marin pêcheur. Y a-t-il de l’avenir dans la pêche locale ?
La pêche est un métier très dur. Je pense que la pêche peut aider beaucoup de personne financièrement mais il faut avoir cette volonté de s’en sortir. Après, il faut aimer la mer et aimer aller en mer. Il y a beaucoup de sacrifices à faire : on met la famille derrière. Si on a une femme, des enfants, il faut avoir une bonne discussion avec elle.
Je pense qu’il y a de l’avenir dans la pêche. Il faut juste avoir de la volonté, un mental d’acier. Surtout lorsqu’on devient capitaine, c’est beaucoup de responsabilité : il faut gérer l'équipage, la cargaison, le gasoil, tout les préparatifs avant le départ…
Personnellement, la pêche m’a beaucoup apporté. Avant, on n’avait pas forcément les moyens. Je suis le seul dans la famille qui suis allé vraiment loin dans la pêche et qui a poursuivi dans ce métier. J’ai eu de la chance qu’on m’ait inculqué des valeurs comme le respect. J’essaie aussi de faire la même chose aux jeunes : leur donner les techniques par rapport à mon expérience et leur inculquer des valeurs.